La santé de toute machine tournante repose sur un pilier essentiel : la lubrification des roulements. N’attendez plus les pannes pour agir et évaluez maintenant la situation en 4 questions : Quel lubrifiant? Quand ? Comment ? Combien ?
Quel lubrifiant?
Pour des raisons d’économie et de simplification, la mention ‘lubrifiant multi-usage‘ est bien souvent assimilée à : ‘lubrifiant pour n’importe quelle machine‘. Il s’agit là d’une simplification dangereuse : le lubrifiant à tout faire n’existe pas.
Il existe une multitude de graisses et d’huiles vous promettant des performances optimales. Cela peut certainement être le cas… mais toujours dans le cadre d’applications et de conditions de fonctionnement bien déterminées. L’usage inapproprié d’un lubrifiant est le meilleur moyen de réduire la durée de vie du roulement : film d’huile inefficace, augmentation du frottement, échauffement rapide, emballement de température… Certes, tout n’est pas blanc ou noir : certains lubrifiants arrivent à couvrir en effet un spectre d’applications assez large. Encore faut-il les connaître et adapter leur usage dans chaque cas..
Un autre constat important : la lubrification des roulements se fait en majorité à la graisse. Une graisse est constituée d’un savon et de l’huile de base qu’elle contient. Pour déterminer le type de savon et d’huile les plus appropriés pour les roulements de l’application, vous devez au minimum relever :
1/ la température de fonctionnement
2/ la charge appliquée
3/ la vitesse de rotation
4/ la direction de l’axe (horizontal ou vertical)
La plupart des fabricants de graisses et roulementiers mettent à disposition des tables de classification de graisses, où il vous est possible d’effectuer un choix préliminaire sur base de la température, charge et vitesse .
Table de sélection SKF • Table de sélection SNR-NTN • Table de sélection FAG
Une fois votre pré-sélection effectuée, consultez la fiche technique détaillée de la graisse :
1/ La plage de température admissible. Soyez conservatif : au plus vous vous situez aux extrêmes, au plus la durée de vie de la graisse est réduite.
2/ L’indice NLGI : il s’agit de la mesure de consistance de la graisse. Au plus l’indice est élevé, au plus la consistance est élevée. On retrouve un NLGI de 1 à 2 pour les machines horizontales, et souvent égal à 3 pour les machines verticales.
3/ La viscosité de l’huile à 40°C et 100°C, exprimée en cSt. Ce paramètre est primordial : vitesse et température influent directement sur ce dernier et donc sur la tenue du film d’huile dans le roulement. Voir comment valider la viscosité.
Vous pouvez le constater sur la table de pré-sélection : les valeurs de viscosité les plus basses sont conseillées pour des applications hautes vitesses, et deviennent élevées pour des applications lentes. Les applications dites « standard » telles que les moteurs et pompes requièrent des classes de viscosité ISO VG à 40°C allant grosso modo de 68 à 220 cSt.
D’autres critères entrent en jeu dans le choix de la graisse : la composition chimique du savon et les additifs éventuels. Nous aborderons ces nuances dans un article dédié.
Dans des cas moins fréquents, la lubrification des roulements se fait à l’huile :
– Paliers à semelle avec bain d’huile
– Carters de réducteurs
– Paliers de roulement munis d’une recirculation d’huile (avec refroidissement éventuel)
– Systèmes à projection air/huile pour broches de machine-outil
Les critères de sélection sont les mêmes que ceux cités pour la graisse, à la différence qu’il n’y a pas de savon.
Les huiles peuvent être minérales ou synthétiques et comporter des additifs. Ces nuances seront également développées dans un article dédié.
Combien?
Une lubrification insuffisante peut nuire rapidement au roulement. Un excès de lubrifiant aussi.
En règle générale, un roulement doit être rempli à 100 % lors du graissage initial. Il n’y a que pour les applications tournant à très hautes vitesses, que vous devrez laisser de l’espace libre dans le roulement. Selon la vitesse de rotation et la température du process, le logement peut être rempli entre 40 et 60%. Dans les cas de vitesse de rotation très lente (moins de 10 tr/min) et d’environnement fortement pollué, on peut envisager un remplissage à 100%. On profite ainsi de l’effet « barrière » de la graisse sans risque d’emballement de température.
La quantité de graisse à injecter lors de l’appoint dépend de plusieurs paramètres :
– le roulement : le type, ses dimensions, son type de cage
– le point d’entrée de graisse : par le côté, par une rainure centrale éventuelle, l’éloignement du graisseur
– le mode de lubrification : automatique ou manuel, le premier permettant de petites quantités distribuées en fréquences plus courtes, voire en continu
Comment évaluer cette quantité?
Différentes approches et formules de calcul ont été mises au point par les fabricants de roulements.
Pour simplifier les choses, des programmes de calcul en ligne (gratuits) sont désormais disponibles :
On ne peut que trop vous conseiller d’augmenter cette quantité si des obstacles entravent la passage de la graisse :
– roulement à cage massive en laiton
– graisseur éloigné du roulement
– bagues labyrinthes/étanchéités à proximité directe du roulement.
Quand?
A quelle fréquence injecter cette quantité?
Vous l’aurez deviné, c’est le corollaire de la question précédente. Les programmes de calcul vous donnent bien entendu la fréquence d’appoint en même temps que la quantité.
La fréquence de relubrification dépend dans une large mesure de la température dans le roulement. En effet, passé un certain seuil de température, l’usure du lubrifiant devient plus rapide et exige de renouveler ce dernier plus fréquemment.
La température est loin d’être le seul paramètre influençant la durée de vie du lubrifiant :
– la charge
– la vitesse de rotation
– le niveau du contamination
– le taille et le type de roulement
– la présence de vibrations ou d’oscillations
La méthode de détermination de l’intervalle est expliquée en détail sur les sites des grands roulementiers.
Comment?
Quelle méthode adopter : manuelle ou automatique?
Même si cette question engendre toujours autant de débats passionnés, il est en vérité possible d’envisager l’une comme l’autre dans la grande majorité des cas. La gamme de produits s’est considérablement développée, que cela soit dans le manuel ou l’automatisé. Le tout est d’arriver, de façon réaliste, à respecter le « quand » et le « combien » evoqués plus haut.
Les avantages d’un système automatisé sont évidents:
– il vous affranchit du suivi permanent
– l’appoint peut être modulé en vue d’une distribution plus continue
– cela favorise l’équilibre thermique
Un classement des machines par niveau de criticité est un bon point de départ décider des zones à couvrir.
Privilégiez les applications exigeant un intervalle d’appoint court : machines hautes vitesses et/ou travaillant à température élevées.
La lubrification manuelle reste toutefois fort appréciable pour une série de raisons pratiques :
– l’opérateur effectue en même temps une série de contrôles supplémentaires : température, bruit, vibrations, fonctionnement général de la machine,etc..
– Il peut décider d’adapter directement la relubrification en fonction d’événements inattendus : augmentation de la charge, température ou de la vitesse, contamination inattendue, etc..
– le placement d’un système de lubrification est parfois difficile à réaliser dans l’espace/la configuration disponible
– le point à graisser peut se trouve sur une pièce mobile
Informez-vous enfin des dernières variantes de roulement disponible chez votre roulementier : comme c’est le cas depuis longtemps pour les roulements rigides à billes étanches, dits ‘graissés à vie‘.
Bien entendu, faites valider la sélection par ce dernier avant de passer à l’achat.
Références :
« Tips and advice for the lubrication of rolling bearings », Klüber Lubrication
« Lubrication of rolling bearings », 2013, TPI 176 GB-D, Schaeffler Group
« Graisses pour roulements Arcanol », TPI 168 F-F, Schaeffler France